Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/257

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quelques instances de plus, j’obtins de lui que nous ferions route ensemble.

Quand nous eûmes fait environ une lieue, je remarquai que ses pleurs étoient moins abondans, sa poitrine moins agitée, tout son extérieur plus tranquille. Nous n’avions pas encore ouvert la bouche depuis que nous étions entrés dans la voiture : voyant qu’il n’étoit pas éloigné de me raconter la cause de son malheur, je l’en priai poliment, et sans importunité : il y consentit.


L’HISTOIRE.


Je suis, dit-il, fils d’un membre du parlement de Languedoc. Ayant fini mes études je vins passer quelques mois à Paris où je me liai avec un gentilhomme un peu plus jeune que moi. Il étoit d’une famille distinguée, et devoit hériter d’une fortune considérable. Ses parens l’avoient envoyé à Paris, autant pour perfectionner son éducation, que pour l’éloigner d’une jeune demoiselle d’un rang inférieur au sien, dont il paroissoit très-épris.

Il me révéla sa passion pour cette jeune personne, qui avoit, disoit-il, fait tant d’impression sur son cœur, que le temps, ni l’absence ne pourroient en effacer son image