Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/261

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La jeune demoiselle rougit, et moi je restai immobile. Ma langue ne pouvoit plus articuler, ni mes bras agir. Mes jambes fléchissoient : surpris à la vue de tant de beauté et d’innocence, je n’eus pas le temps de réfléchir : un millier de cupidons s’emparèrent de mon cœur au même instant, et le subjuguèrent.

Revenu du trouble où cet événement inattendu m’avoit jeté, je présentai du mieux que je le pus, mes respects à la compagnie, et l’on me complimenta sur mon heureuse alliance, comme si mon mariage étoit déjà fait ; il est vrai qu’il étoit impossible de voir un objet aussi divin, sans en venir éperdument amoureux. C’étoit pour moi le comble du bonheur, que l’approbation de mon père eût précédé la mienne.


L’ENTREVUE.


Le dîner étoit servi, et la joie éclattoit sur tous les visages, excepté sur celui de ma prétendue ; je l’attribuai à sa modestie, et au trouble qu’avoit dû lui causer mon apparition soudaine. Je saisis la première occasion favorable, où je me trouvai seul avec elle, pour lui déclarer mes sentimens ; et l’instruire