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Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/399

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garda non plus le silence, et la charité murmura souvent son doux langage ; chaque objet qu’il voyoit sur les côtes du mont Ephraïm, chaque grotte qui lui présentoit sa fraîcheur, chaque boccage qui arrêtoit ses pas inquiets, dévoient solliciter le souvenir de son bonheur passé, et éveiller dans son ame un sentiment favorable à l’objet qui l’avoit séduit.

J’avoue… Oh ! j’avoue, devoit-il s’écrier, que cette perfidie est bien grande ; mais la porte de la merci doit-elle lui être fermée pour toujours ? une infidélité est-elle le seul crime que l’homme outragé ne puisse pardonner, et duquel la raison ne doive pas oublier la cicatrice ? est-ce en effet le plus noir de tous ? dans quel tarif des offenses humaines l’a-t-on ainsi évalué ? est-ce parce qu’il est bien difficile à supporter ? ah ! mon cœur s’écrie, oui, oui : mais demandons-lui si toutes les passions ensemble n’affilent pas le poignard qui pénètre dans mes entrailles ? demandons-lui si ce n’est pas autant l’orgueil et le respect humain que le sentiment de mes vertus, qui empoisonnent et irritent la plaie cruelle que cette femme m’a faite. Dieu miséricordieux ! si cela étoit, pourquoi persécuterois-je dans un transport de fierté la malheureuse que tu as créée et qui t’appartient ?