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Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/543

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Quoique chaque père fût instruit à faire cette réponse à son fils, on ne peut pas supposer que cette instruction fût nécessaire pour la première génération, pour les enfans de ceux qui avoient été les témoins oculaires des faveurs de la providence. Il ne paroît pas en effet probable qu’arrivés à l’âge de raison, ils pussent faire une pareille question, sans avoir été long-temps auparavant instruits à y répondre. Chaque père avoit sûrement raconté les infortunes de sa captivité, et les particularités miraculeuses de sa délivrance. Ces anecdotes étoient si extraordinaires, leur récit étoit susceptible d’un tel degré d’enthousiasme, qu’elles ne pouvoient pas rester secrètes. La piété, la reconnoissance d’une génération anticipoient sur la curiosité d’une autre. Ils apprenoient cette histoire en apprenant leur langue.

Telle fut la condition de la première et seconde races ; mais dans le cours des ans les choses changèrent insensiblement, une longue et paisible jouissance de leurs libertés put émousser le sentiment des bienfaits de Dieu, et en placer le souvenir à une trop grande distance de leur cœur. Après quelques années écoulées dans les plaisirs et la pri-