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Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/70

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MONTREUIL.


J’installai le lendemain matin, La Fleur dans sa charge. Je lis devant lui l’inventaire de mes six chemises et de ma culotte de soie noire, et je lui donnai la clef de mon porte-manteau. Je lui dis de le bien attacher derrière la chaise, de faire atteler les chevaux, et d’avertir l’hôte de m’apporter son compte.

Ce garçon est heureux, dit l’hôte en adressant la parole à cinq ou six filles qui entouroient La Fleur, et lui souhaitoient affectueusement un bon voyage. La Fleur baisoit les mains des filles ; ses yeux se mouillèrent, il les essuya trois fois, et trois fois il promit d’apporter des pardons de Rome à toute la bande.

Toute la ville l’aime, me dit l’hôte. On le trouvera de manque à tous les coins de Montreuil ; il n’a qu’un seul défaut, c’est d’être toujours amoureux… Bon ! dis-je en mol-même ; cela m’évitera la peine de mettre chaque nuit ma culotte sous mon oreiller ; et je faisois moins, en disant cela, l’éloge de La Fleur, que le mien. J’ai toute ma vie été amoureux d’une princesse ou de quelqu’autre, et je compte bien l’être jusqu’à