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Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/83

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Il étoit assis sur un banc de pierre à la porte. Le paneau et la bride de l’âne étoient à côté de lui : il les levoit de temps-en-temps, et les laissoit ensuite tomber… puis les regardoit et secouoit la tête… Il reprit ensuite sa croûte de pain, comme s’il alloit la manger… Mais, après l’avoir tenue quelque temps à la main, il la posa sur le mors de la bride, en regardant avec des yeux de désir l’arrangement qu’il venoit de faire, et il soupira.

La simplicité de sa douleur assembla une foule de monde autour de lui ; et La Fleur s’y mêla pendant qu’on atteloit les chevaux. J’étois resté dans la chaise, je voyois et j’entendois par-dessus la tête des autres.

Il disoit qu’il venoit d’Espagne, où il étoit allé du fond de la Franconie, et qu’il s’en retournoit chez lui ; il étoit arrivé jusqu’à cet endroit lorsque son âne mourut. Chacun étoit curieux de savoir ce qui avoit pu engager ce pauvre vieillard à entreprendre un si long voyage.

Hélas ! dit-il, le ciel m’avoit donné trois fils, c’étoient les plus beaux garçons de toute l’Allemagne. La petite vérole m’enleva les deux aînés dans la même semaine : le plus jeune étoit frappé de la même maladie ; je