— C’est une piastre pour votre « Consulte, » mon brave homme, suivez-la bien et que Dieu vous bénisse.
— Merci, fit mon père en payant l’homme de loi, que le bon Dieu vous bénisse aussi, et bonne santé.
Arrivé dans la rue, il plia soigneusement sa « consulte » en quatre, l’enveloppa dans son mouchoir, et l’attacha à sa veste, du côté du cœur, avec quatre épingles.
À deux heures, Monsieur, à peu près à l’heure que nous parlons, mon défunt père était de retour : et comme vous pouvez bien le penser, il n’eut rien de plus pressé que de montrer sa « consulte. » Je m’en souviens encore comme si ça s’était passé d’hier. Personne ne sachant lire chez nous, — je n’avais alors que sept ou huit ans, — on m’envoya quérir le maître d’école. J’y courus comme le vent. Dès qu’il fut arrivé, mon père lui tendit avec joie le papier qu’il avait rapporté de la ville, et le maître d’école le lut à haute voix, en déclarant que c’était magnifiquement écrit.
Et bien pensé, ajouta mon défunt père, en serrant soigneusement sa « consulte, » avec son contrat de mariage et son image de première communion.
Il faisait une chaleur accablante cette journée-là.
— Va donc te reposer mon pauvre José, lui dit ma bonne vieille mère que vous avez vue en entrant, il me semble que tu l’as bien gagné, tu n’en seras que plus alerte demain pour rentrer notre grain.
— Y penses-tu, ma vieille, répondit mon père qui achevait de mettre son habillement de la semaine. Y penses-tu ?… « Il ne faut jamais remettre au lendemain ce qu’on peut faire le jour même. » Nous allons rentrer notre grain tout de suite, et si Baptiste a achevé de serrer le sien, il nous donnera un coup de main. Va voir, s’il est chez lui, mon gars ?