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Page:Stevens - Contes populaires, 1867.djvu/90

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LES DEUX VOISINS.

marchand qui les a fournies et parfois le regret de les avoir achetées.

Ma femme et mes filles portent des robes d’indienne l’été, et des robes de laine pendant l’hiver. Comme ce ne sont pas des étoffes de prix, elles se passent de couturières et de modistes.

Mon fils et moi nous nous contentons fort bien du drap du pays, d’autant plus que c’est encore ma femme et ses filles qui taillent, assemblent et cousent nos pantalons, nos vestes et nos habits, ce qui ne fait que relever leur prix à nos yeux.

L’an dernier nous étions encore obligés de garder deux servantes. Cette année que nos filles se font grandettes, nous en avons renvoyé une, et l’ouvrage n’en a pas souffert ; loin de là, ma femme a si bien distribué à chacun sa tâche, tout est si réglé et se fait si bien à son heure que ça marche comme sur des roulettes. Je puis vous assurer, voisin, que l’on ne perd pas grand temps ici à chercher les clefs ou les ciseaux. C’est incroyable toute la besogne qui peut se faire ainsi entre deux nuits quand chacun a à cœur de faire la sienne de son mieux, sans compter que ça accoutume de bonne heure ces chères enfants à tous les travaux du ménage. Le soir, pour se récréer, leur frère à qui j’ai fait donner un bon maître de musique et de danse, leur enseigne la danse et la musique, ce qui ménage ma bourse, pare à beaucoup d’inconvénients et ne les empêche pas de jouer déjà fort passablement quelques-uns de nos airs nationaux et de danser avec beaucoup de grâce. Nous trouvons encore le temps, pendant la soirée, de faire une lecture instructive, à tour de rôle ; puis, au coup de neuf heures, la prière se dit en commun, et bonsoir jusqu’au lendemain, au premier chant des oiseaux.

Jean-Baptiste a cent fois raison, pensa le voisin