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Page:Stevens - Contes populaires, 1867.djvu/96

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LES DEUX VOISINS.

où nous serons amplement récompensés de nos sacrifices lorsque nous les entendrons appeler Madame la Baronne par-ci, Madame l’Ambassadrice par-là.

Que répondre à une pareille sortie ? Le mal avait jeté de trop profondes racines pour que l’on pût espérer d’y remédier. Le voisin Pierre courba de nouveau la tête et ne dit plus mot.

Cinq ans se sont écoulés pendant lesquels les trois filles du voisin Jean-Baptiste se mariaient l’une après l’autre, on ne peut mieux.

Son fils aîné revenu d’Europe s’est marié à son tour et exploite la terre paternelle qu’il arrondira à coup sûr.

Quant à l’heureux père, depuis l’établissement de ses enfants, il a complètement changé de manière de vivre. Il ne travaille plus et roule voiture pour aller de l’une à l’autre de ses filles. Partout où il va, on le choie, on le caresse, c’est à qui l’entourera de petits soins, et il a déjà le bonheur de faire sautiller sur ses genoux des petits-fils bien joufflus et de charmantes petites-filles.

Les baronnes en perspective et les ambassadrices futures sont encore filles toutes trois, et le seront probablement toujours. Pour avoir plu à tout le monde, elles ont fini par ne plaire à personne. Le jeune avocat qui devait faire un riche mariage, se sentant incapable d’aucun effort sérieux, sans talent et déclassé, a épousé la Californie où il végète sans doute misérablement, tandis que ses parents, après avoir vendu leur belle maison de pierre, s’imposent, dans une maison de pension, les plus rudes privations pour permettre à leurs filles de briller encore quelques temps dans les bals et d’y pêcher peut-être un mari.