Page:Stevens - Fables, 1857.djvu/118

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

LXIV.

LA CHASSE AU BONHEUR.


Jadis aux bords asiatiques
Trônait un sultan orgueilleux
Courbant sous ses lois despotiques
Des sujets innocents qu’il eut dû rendre heureux.
Esclave de sa fantaisie,
Il ne vivait que pour l’orgie
Et, vieillard avant l’âge, usé, blasé sur tout,
Bientôt son amour pour la vie
Fit place au plus profond dégoût.
La cour redoutant sa colère,
Tachait en vain de le distraire.
Rien n’y faisait, et cependant
Le monarque voulait qu’on cherchât promptement
Un remède efficace à la tristesse amère
Qui le travaillait sourdement.
Médecins d’accourir. Mais que peut la science
Contre un semblable cas ?… Bref, le mal empirait ;
— Et le sultan cruel, par esprit de vengeance,
Envoyait tour à tour ses docteurs au gibet ; —
Quand un derviche à barbe grise
Vint tirer chacun d’embarras :
« Roi tout puissant ! dit-il, je connais votre cas,
« Il faut, pour vous guérir, endosser la chemise
« D’un homme heureux, vos maux seront finis
« Aussitôt que vous l’aurez mise. »