XXV.
LES DEUX CHATS PLAIDANT PAR DEVANT
LE SINGE.
Deux chats, maîtres fripons, avaient d’un étalage
Volé traîtreusement un superbe fromage.
Mais ce n’était pas tout de l’avoir dérobé ;
Le partager était chose plus difficile.
— « Voyons, dit Rodilard à son associé,
« J’en garde les trois quarts ; toi, prends le reste et file ;
« J’ai fait le coup, j’aurais droit au butin entier. »
— « Oh que non ! Il me faut la moitié de la prise,
« Lui répondit Mitis, je la vis le premier.
« Faisons partage égal, ou sinon je te brise,
« Quelque membre, maudit coquin ! »
— « Tout beau ! mon fier-à-bras, rengaine ta colère :
« Nous irons consulter le juge Fagotin,
« Il nous mettra d’accord en peu de temps, j’espère. »
Voilà donc nos larrons chez le singe. Tous deux
Content l’affaire ensemble. — « Allons, messieurs, silence !
« J’ai saisi votre cas, dit d’un air sérieux
« Le rusé Fagotin prenant une balance.
« Voyons, dans ces bassins mettez chaque morceau. »
Maître singe soupèse, et voyant qu’un plateau
À gauche plus qu’à droite penche,
De l’air le plus grave retranche,
Une grosse moitié du morceau trop pesant
Qu’en face des plaideurs il dévore à l’instant.