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plus agréable que de courir les bois, d’être poursuivi comme un malfaiteur et de recommencer la vie de misère que j’avais menée pendant ma fuite avec Alan[1].

Cette capitulation me parut honorable et possible et je m’étonnai de ne pas en avoir eu l’idée plus tôt. Cela m’amena à rechercher la cause de ce brusque changement dans ma manière de voir. Je n’eus pas de peine à la trouver dans mon découragement actuel, et ce dernier lui-même venait de l’imprudence que j’avais commise en allant voir Catriona. Quant au motif de cette visite, il était facile à découvrir et n’était autre que la vieille concupiscence : l’amour de soi, l’égoïsme.

Tout aussitôt, le texte de la Bible s’offrit à ma mémoire : « Comment Satan pourrait-il chasser Satan ? »

Voyons ! pensai-je, par égoïsme, et pour l’amour de deux beaux yeux, je venais d’exposer la vie d’Alan et celle de James ? Et je voulais revenir à la saine raison en prenant le chemin qui m’en avait éloigné ? Non ! le mal qui avait été fait par l’égoïsme, l’abnégation devait le guérir, la chair que j’avais choyée devait être crucifiée. Je n’avais plus qu’à voir quel était le parti qui me plaisait le moins et à le prendre. C’était évidemment de quitter ce bois sans attendre Alan et de suivre ma destinée dans la solitude.

J’ai voulu narrer en détail cette heure de trouble, afin qu’elle pût être de quelque utilité à la jeunesse et lui servir d’exemple. Mais si « on a des raisons même pour planter des choux », dit un proverbe du comté de Fife, de même, en morale et en religion, il y a place pour le bon sens. Je réfléchis donc que l’heure du rendez-vous approchait et qu’on n’y voyait plus. Si je m’en allais (ne pouvant siffler de peur d’attirer l’attention), les gens qui étaient à mes trousses pouvaient me manquer dans

  1. Voir les Aventures de David Balfour.