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d’air sur l’estomac, se permettant seulement de varier les symptômes de la maladie. J’écoutais tranquillement en pensant que je ne lui avais jamais entendu dire trois mots sérieux à une femme ; il avait une manière de plaisanter et de se moquer des filles qui n’appartenait qu’à lui. Je lui en fis l’observation pendant une absence de notre hôtesse.

« Que voulez-vous ? dit-il, un homme doit faire de son mieux avec les femmes, il faut leur conter un petit bout d’histoire pour les amuser, les pauvres êtres ! C’est ce que vous devriez apprendre, David, vous devriez savoir les principes, c’est comme un métier cela ; par exemple, si celle-ci avait été une jeune fille ou une jolie fille, elle n’aurait pas eu la patience d’écouter le récit de ma maladie. Mais quand elles sont vieilles, elles n’aiment plus la plaisanterie et font leurs délices de la médecine. Pourquoi ? est-ce que je sais ? Elles sont ce que Dieu les a faites, je suppose. Mais un homme ne serait qu’un manant s’il manquait d’égards pour elles. »

Et comme la femme rentrait, il se tourna vers elle comme s’il était très impatient de renouer la conversation. La dame avait greffé sur l’histoire de l’estomac d’Alan celle d’un de ses beaux-frères d’Aberlady et elle décrivait la maladie avec la plus évidente satisfaction.

Par moments, son récit était triste ; parfois, il devenait terrible, et il en résulta que je tombai dans une sorte de somnolence et que, sans plus rien écouter, je regardais vaguement par la fenêtre ouverte, sachant à peine ce que je voyais. Tout à coup, je tressaillis.

« Nous lui fîmes une fomentation aux pieds, disait la femme, et on lui mit une brique chaude sur l’estomac ; nous lui donnâmes de l’hysope et de l’eau de Royal Penny, puis du baume de soufre pour la toux…

— Monsieur, dis-je, l’interrompant avec calme, un de mes amis vient de passer à côté de la maison.