Page:Stevenson - Catriona.djvu/144

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enfonçant jusqu’à la ceinture, il fut hissé dans le canot qui se dirigea aussitôt vers le brick.

Je demeurai où il m’avait laissé ; les mains derrière le dos, je le regardais s’éloigner ; lui, de son côté, ne me quittait pas des yeux. Tout à coup, je me sentis près de verser des larmes et il me sembla que j’étais l’être le plus abandonné, le plus seul au monde. Me hâtant de tourner le dos à la mer, je me mis à regarder les dunes ; il n’y avait plus trace d’homme ; le soleil brillait sur le sable humide, le vent sifflait dans la plaine, les mouettes encombraient le ciel ; je commençai à remonter vers la dune, observant d’un œil distrait les poux de mer qui sautillaient sur les câbles échoués. Je ne voyais, je n’entendais plus rien sur cette plage maudite, et cependant, je savais que j’étais surveillé, épié par des coquins à gages, non pas des soldats sans doute, car ils nous auraient attaqués de prime abord, mais des hommes loués pour exécuter une consigne. Laquelle ? Allais-je être enlevé ou assassiné sur l’heure ? La première hypothèse me paraissait la plus probable ; la seconde était cependant possible aussi, et je sentais mon sang se glacer dans mes veines.

Je tourmentais la poignée de mon épée ; quoique très inhabile à m’en servir, je pouvais toujours me défendre et frapper au hasard. Mais je réfléchis bientôt que toute résistance serait inutile. Ce guet-apens était sans doute l’expédient auquel Prestongrange avait fait allusion devant moi et sur lequel lui et Fraser étaient tombés d’accord ; je croyais bien que l’avocat général avait l’intention de sauver ma vie, mais Fraser était capable d’avoir glissé quelques instructions supplémentaires dans l’oreille de Neil et de ses compagnons. Si donc je montrais la lame de mon épée, je pouvais tomber aux mains de mon pire ennemi et décider moi-même de mon sort.