Page:Stevenson - Catriona.djvu/172

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m’approchant, je le trouvai endormi, et j’attendis son réveil. Je commençai alors à plaider ma cause.

« Si je croyais que ce fût pour votre bien, Sharos ! fit-il en me regardant par-dessus ses lunettes.

— C’est pour sauver quelqu’un et pour tenir ma parole, que voulez-vous de mieux ? Oubliez-vous les paroles de l’Écriture, vous qui avez la Bible sur les genoux : « Que sert à l’homme de gagner l’univers ?… »

— C’est très bien pour vous, mais moi aussi, j’ai donné ma parole, et vous me demandez tout simplement d’y manquer pour de l’argent.

— Andie ! Vous ai-je dit ce mot-là ?

— Le mot importe peu ; voici la chose : si je faisais ce que vous voulez, je perdrais ma place et vous m’en procureriez une autre, naturellement, même avec un petit bénéfice pour votre propre satisfaction, n’est-ce pas là un pot-de-vin ? un marché ? Si encore j’étais certain de ce pot-de-vin ! Mais d’après ce que je vois, ce n’est pas si sûr… Si vous êtes pendu, vous ! qu’en sera-t-il de moi ? Non, c’est impossible ; ainsi allez-vous-en, s’il vous plaît, et laissez-moi lire mon chapitre. »

Je ne fus pas mécontent de cette conversation, je reconnaissais que je devais à Prestongrange une certaine gratitude pour m’avoir sauvé par un stratagème violent et illégal, mais qui m’avait délivré de tous mes scrupules et perplexités. Cela ne m’empêchait pas de sentir lourdement le poids de ma chaîne, et à mesure que la date avançait, je pensais de plus en plus à James. Le 21 septembre, jour du procès, je me trouvai si malheureux de mon inaction, que je ne me souviens pas de l’avoir été davantage, sauf peut-être sur l’île d’Earraid[1]. La moitié de la journée, je restai couché non loin de la mer, le corps immobile, l’esprit plein de pensées pénibles ;

  1. Voir les Aventures de David Balfour.