Page:Stevenson - Catriona.djvu/180

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pâle et fatigué. Quant à Simon Fraser, il faisait tache au milieu de cet auditoire attentif : les mains dans les poches, les jambes croisées, il clignait des yeux de côté et d’autre, se raclait la gorge, ébauchait tantôt un bâillement, tantôt un sourire mystérieux. Parfois aussi, il prenait sa Bible, la parcourait, semblait lire quelques lignes et s’arrêtait pour bâiller de nouveau.

Au cours de ces différents exercices, tout à coup, son œil se porta sur moi ; il demeura une seconde comme pétrifié, puis, déchirant une feuille de son livre, il y traça quelques mots et la passa à son voisin.

Le billet parvint à Prestongrange, qui ne me lança qu’un regard, puis il fut envoyé vers Erskine et le duc d’Argyle, qui étaient assis entre les deux juges. Le duc se retourna et me jeta un coup d’œil arrogant. Le dernier à remarquer ma présence fut Charles Stewart et, dès qu’il me vit, il se mit aussi à envoyer des messages dans toutes les directions.

Le passage de tous ces billets avait fini par attirer l’attention ; tous ceux qui étaient dans le secret ou qui se croyaient bien informés, donnaient des explications à leurs voisins, les autres questionnaient de leur mieux, et le ministre lui-même, décontenancé par les chuchotements, se troubla, se mit à bégayer sans pouvoir retrouver le fil de son discours et revenir aux belles périodes du commencement. Jusqu’à son dernier jour, il se demanda comment un sermon qui avait paru, au début, lui attirer tant de gloire avait fini si piteusement.

Quant à moi, je demeurai à ma place mouillé, éreinté, anxieux de ce qui allait se passer, mais, en somme, très satisfait de l’effet produit par mon arrivée.