Page:Stevenson - Catriona.djvu/187

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une date mémorable ; ne pourrait-on craindre que ce fût comme l’époque d’une calamité publique ? »

M. Miller, voyant où j’allais en venir, se hâta de m’approuver.

« Très bien, votre argument est juste, monsieur, dit-il.

— Nous devons encore nous demander, ajoutai-je, si ce procès serait dans l’intérêt du roi Georges. Le shérif Miller n’a pas l’air de s’en préoccuper, mais je doute qu’il vous soit possible d’ébranler les fondements du trône sans que le roi en reçoive le contre-coup, et cela pourrait être funeste. »

Je leur laissai le temps de répondre, mais personne n’ouvrit la bouche. Je continuai :

« Quant à ceux pour qui ce procès serait profitable, le shérif Miller nous a donné le nom de plusieurs personnes, parmi lesquelles il a bien voulu me mentionner. J’espère qu’il me pardonnera de ne pas être de son avis sur ce point. Tant qu’il s’est agi d’une vie à sauver, je puis dire que je n’ai reculé devant aucun sacrifice ; je dois reconnaître pourtant que je me trouvais par trop hardi, et je crois qu’il serait mauvais pour un jeune homme qui se destine au barreau de commencer par se faire la réputation d’un fâcheux et d’un turbulent avant d’avoir atteint la vingtième année. Quant à James, puisque, au point où en est l’affaire, il n’a d’autre espoir que dans la pitié du roi, ne pourrait-on pas avoir recours directement à Sa Majesté tout en sauvegardant la réputation des hauts fonctionnaires publics et tout en m’évitant une situation susceptible de causer la ruine de mon avenir ? »

Ils demeurèrent tous le nez dans leurs verres ; il était facile de voir que ma manière d’envisager les choses n’était pas de leur goût. Mais Miller était prêt à tout événement.