Page:Stevenson - Catriona.djvu/214

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obtenir ces deux vies, qui, ni l’une ni l’autre n’étaient en danger. J’étais fière pour mon sexe de la voir implorer si gentiment. L’Avocat général ne tarda pas à s’apercevoir que sa politique la plus secrète avait été éventée par une jeune fille et dévoilée à la plus indépendante de ses filles, mais nous réunîmes nos efforts et obtînmes ce que nous voulions. Quand on s’y prend bien, on obtient ce qu’on veut de mon papa ; or, je sais m’y prendre !

— Il a été très bon pour moi.

— Eh bien, il a aussi été très bon pour Catriona et j’étais là pour y veiller, du reste.

— Ainsi elle a demandé ma grâce ?

— Parfaitement, et de la façon la plus touchante ; je ne veux pas vous répéter ce qu’elle a dit, vous êtes déjà bien assez vaniteux.

— Que Dieu la récompense pour son bon cœur ! m’écriai-je.

— Et que monsieur Balfour la récompense aussi, n’est-ce pas ?

— Vous êtes trop injuste à la fin ! Je ne souhaiterais pas de la voir en votre puissance ! Croyez-vous que je me permettrais certaines libertés, parce qu’elle a voulu me sauver la vie ? Elle en aurait fait autant pour un petit chien nouveau-né ! Puisqu’il faut vous le dire, elle m’a donné d’autres gages, si je voulais m’en prévaloir : elle m’a baisé la main. Oui, comme je vous le dis. Et pourquoi ? Parce qu’elle trouvait que j’avais un beau rôle et que j’étais en danger de mort. Ce n’est pas par amour pour moi qu’elle l’a fait (mais à quoi bon vous conter ces choses, à vous qui ne pouvez me regarder sans rire). C’était un hommage rendu à ce qu’elle considérait comme un acte de bravoure. Je crois qu’il n’y a que deux personnes au monde qui auront eu un pareil honneur : le prince Charlie et moi. Ne serait-ce pas suffisant pour m’inspirer l’idée que je suis un dieu ? Et