Page:Stevenson - Catriona.djvu/237

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Elle se mit à me questionner sur son caractère, car nous éprouvions un intérêt réciproque à parler du passé ; je me souvins alors des lettres de cet ami que j’avais gardées et, par une fâcheuse inspiration, j’allai les chercher dans ma cabine.

« Voici ses lettres, dis-je en les tendant à Catriona, et du reste, toutes celles que j’ai reçues dans ma vie sont là, quand vous les aurez lues, vous saurez tout ce qui me concerne.

— Vous voulez que je les lise alors ? » demanda-t-elle.

Je lui répondis affirmativement et elle me pria de la laisser seule pour qu’elle pût tranquillement en prendre connaissance. Or, dans le paquet, il y avait non seulement les lettres de mon ami inconstant, mais quelques-unes de M. Campbell quand il avait été en voyage, puis le petit mot de Catriona et les doux billets de miss Grant, l’un reçu à l’île de Bass, l’autre qu’elle m’avait envoyé à bord le jour du départ : en remettant la liasse à Catriona, j’avais oublié ce dernier.

La pensée de mon amie m’absorbait tellement, qu’il m’était indifférent de m’éloigner d’elle pour quelques instants, car sa chère personne était l’unique objet de mes réflexions, et dans cette espèce de recueillement, je jouissais presque de sa présence. Aussi quand je fus installé à l’avant du navire, là où l’on voit les grands bossoirs plonger dans les vagues, je me trouvai si heureux que je prolongeai mon absence, y goûtant comme une variété de plaisir. Je ne crois pas être un épicurien, mais, jusqu’ici, ma part de joies avait été si petite, que je me jugeais excusable de savourer mon bonheur actuel.

Lorsque je revins près d’elle, je fus presque cloué sur place en voyant l’expression dure de sa physionomie et son geste froid, quand elle me tendit le paquet de lettres.

« Vous les avez lues ? demandai-je, et le son de ma