Page:Stevenson - Catriona.djvu/243

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

que son devoir était d’aller à terre avec Catriona puisque sa femme en avait accepté la charge, mais rien ne l’aurait décidé à affronter ce danger, car cela lui aurait fait manquer sa correspondance. Aussi prenait-il une grosse voix pour apaiser sa conscience. À la fin, il s’adressa au capitaine déclarant que c’était une infamie de livrer cette jeune fille à ces pêcheurs inconnus. Je faisais la même réflexion, et sans plus tarder, ma résolution fut arrêtée. Je pris le capitaine à part et je m’assurai qu’il enverrait nos bagages à une adresse que je lui donnai à Leyde ; puis je m’avançai, je fis signe au patron du canot, et m’adressant au capitaine :

« Je vais accompagner miss Drummond ; peu importe par quelle voie, j’arriverai à Leyde. » En même temps, je sautai dans le bateau, non sans bousculer deux des matelots dans le fond.

Une fois là, le danger paraissait plus grand encore, tellement le vaisseau se balançait au-dessus de nous, et le câble de l’ancre menaçait à chaque instant de nous faire chavirer. Je commençai à craindre d’être la victime de mon dévouement ; il me semblait impossible que Catriona pût venir me rejoindre et j’allais peut-être me trouver seul à Helvoetsluys, sans autre espoir de récompense que le plaisir d’embrasser James, ce qui était loin de me tenter. Mais je comptais sans le courage de Catriona ; elle m’avait vu sauter sans une apparence d’hésitation, bien que j’en eusse éprouvé beaucoup, avant de me décider ; elle n’était pas femme à se laisser battre, surtout par moi. Je la vis se dresser sur le roufle, se tenant à un étai, le vent soulevait ses jupes, ce qui rendait l’entreprise plus dangereuse et découvrait ses bas blancs un peu plus haut qu’on ne l’eût jugé convenable en ville. Il n’y avait pas une minute à perdre, je m’apprêtai à la recevoir et je tendis les bras ; le patron fit un effort pour approcher le canot plus