Page:Stevenson - Catriona.djvu/245

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— Vous me remercierez quand je vous aurai remise entre les mains de votre père, répondis-je, sans savoir à quel point je disais vrai, je pourrai lui certifier qu’il a une fille obéissante.

— Ah ! je ne sais pas si je mérite cet éloge… fit-elle d’un air peiné.

— Cependant, je crois que peu de jeunes filles auraient eu le courage de sauter dans le canot pour obéir aux ordres d’un père.

— Vous avez trop bonne opinion de moi ; pouvais-je rester quand vous aviez sauté à cause de moi ? et puis j’avais d’autres raisons. »

Alors, avec une rougeur subite, elle m’avoua sa pauvreté.

« Bonté divine ! m’écriai-je, est-il possible, seule sur le continent avec une bourse vide ! C’est fou ! C’est à peine croyable !

— Vous oubliez que James More mon père est un gentleman ruiné, un proscrit.

— Mais tous vos amis ne sont pas des proscrits ! Est-ce bien agir avec eux ? envers moi, envers Miss Grant qui vous a conseillé de partir et qui serait furieuse si elle savait ce qui arrive ? Était-ce même bien de cacher votre situation aux Grégorys, chez qui vous étiez et qui vous traitaient avec affection ? Vous êtes heureuse de tomber entre mes mains ! Supposez que votre père soit absent par hasard ; que deviendriez-vous, seule, en pays étranger ? La seule pensée me fait frémir.

— Il fallait bien que je leur mentisse à tous ; je leur ai dit à tous que j’avais de l’argent : je ne pouvais humilier mon père devant eux. »

Je sus plus tard que la dissimulation venait de lui et non pas d’elle, et qu’elle avait dû soutenir le mensonge pour ne pas le perdre de réputation. Mais, à ce moment-là, j’ignorais tout, et l’idée de son dénuement et des