Page:Stevenson - Catriona.djvu/317

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Nous étions sur le sommet de la dune, aveuglés par le sable que soulevait la brise et en vue du vaisseau anglais, mais tout cela nous importait peu ; je m’agenouillai, j’embrassai ses genoux en sanglotant de joie ;… toute pensée étrangère disparut de mon esprit dans ce moment d’extase. Je ne savais pas où j’étais, j’avais oublié la cause de mon bonheur, je savais seulement qu’elle s’était baissée, qu’elle avait pris ma tête et l’avait appuyée sur sa poitrine… Comme dans un songe j’entendis ses paroles :

« David ! oh ! David, c’est donc vrai que vous m’aimez ? oh ! David, David. »

Puis elle fondit en larmes à son tour…

Il pouvait être dix heures avant que je fusse revenu à une perception nette de mon bonheur ; la main dans la main, nous nous dévorions du regard et je riais aux éclats en lui donnant toutes sortes de noms doux et absurdes. J’ignore combien de temps se serait passé ainsi, si, enfin, une allusion à son père ne nous eût rendus à la réalité.

« Ma petite amie, lui dis-je, maintenant que vous êtes tout à fait à moi, cet homme n’existe plus. »

Elle devint toute pâle.

« David, ne me laissez pas avec lui, implora-t-elle, il n’est pas loyal ;… j’ai une horrible crainte dans le cœur ;… que peut-il avoir à démêler avec ce vaisseau ? Qu’y a-t-il là-dedans ? ajouta-t-elle en me montrant la lettre ; j’ai le pressentiment qu’il s’agit d’Alan. Ouvrez, David, ouvrez. »

Je pris la lettre et je secouai la tête.

« Non, dis-je, je n’ouvrirai pas la lettre d’un autre.

— Même pour sauver votre ami ?

— Je ne sais, la chose me répugne.

— Donnez-la-moi alors, je vais l’ouvrir moi-même.

— Non ; vous, moins que personne ; elle concerne