Page:Stevenson - Catriona.djvu/34

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fidélité à mes amis, car vous montrez un grand courage. Je dois cependant vous avertir que vous allez passer un gué profond. Je ne voudrais pas être à votre place (moi, un Stewart), pour tous les Stewarts qui ont pu exister depuis Noé. Risquer, certes, je veux bien risquer quelque chose pour eux, mais être accusé devant un jury vendu à Campbell, et, cela, dans un pays soumis à Campbell, et à propos d’une affaire concernant un Campbell ! pensez ce que vous voudrez de moi, Balfour, mais c’est au-dessus de mes forces.

— Chacun voit les choses à sa manière, dis-je ; moi, je les vois avec les idées que je tiens de mon père.

— Gloire à sa mémoire ! il a laissé un fils digne de lui ! Cependant, il ne faut pas que vous me jugiez trop mal. Mon cas est difficile. Voyez, monsieur, vous me dites que vous êtes whig : moi, je me demande ce que je suis. Pas whig bien sûr, je ne pourrais pas m’y résoudre… Mais, je vous le dis tout bas, mon garçon,… je ne suis peut-être pas très ardent pour l’autre parti.

— En vérité ? C’est bien ce que j’aurais pensé d’un homme de votre intelligence.

— Chut ! pas de flatterie, il y a de l’intelligence des deux côtés. Pour ma part, je ne souhaite aucun mal au roi Georges, et quant au roi Jacques — Dieu le bénisse, — il est aussi bien, à mon avis, de l’autre côté de l’eau. Je ne suis qu’un modeste homme de loi sans ambition, amoureux de mes livres et de ma bouteille. Un bon plaidoyer, un contrat bien dressé, un peu de bruit au Parlement de temps en temps, une petite promenade le samedi, c’est tout ce qu’il me faut. À quoi veulent-ils en venir avec leurs plaids et leurs grandes épées ?

— Il est sûr que vous ne ressemblez guère à un farouche montagnard.

— Je n’y ressemble pas du tout, et cependant, c’est