Page:Stevenson - Catriona.djvu/80

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nous ne sommes pas si loin de nous entendre ; car si je continue à aimer la jeune fille, comme tout me porte à le croire, il faudra plus que la potence pour nous séparer. Ce n’est pas ma famille qui me gênera, elle n’existe plus. Je ne dois rien à mon oncle, et si jamais je me marie, ce sera pour plaire à une seule personne : à moi-même.

— Je connais depuis longtemps ce langage, dit madame Ogilvy, c’est pourquoi sans doute j’en fais peu de cas. Il y a bien des choses à considérer. Ce James More est de mes parents (je n’ai pas à en tirer vanité), mais plus la famille est noble, plus elle compte de pendus, c’est toujours l’histoire de la pauvre Écosse ;… et si ce n’était que ça ! Pour ma part, je crois que j’aimerais mieux voir James à la potence… Ce serait du moins une fin honorable pour lui. Catriona est une bonne fille, et qui a du cœur,… qui se laisse ennuyer tout le jour par une vieille comme moi. Mais, voyez-vous, elle a son côté faible : elle est absurde quand il s’agit de son hypocrite de père ! et puis elle est folle sur la question politique, sur les Gregara, les clans des Highlands et le roi Jacques : personne sur ce point n’a d’empire sur elle… Vous dites que vous ne l’avez vue qu’une fois ?

— Je me suis mal exprimé ; je ne lui ai parlé qu’une fois, mais je l’ai vue ce matin encore d’une fenêtre de la maison de Prestongrange. »

Je dis cela un peu par ostentation et j’en fus vite puni.

« Expliquez-vous ! je croyais que c’était à la porte de l’avocat général que vous l’aviez rencontrée d’abord ? »

Je répondis qu’il en était ainsi en effet.

« Hum ! » fit-elle, puis elle ajouta d’un ton de reproche : « Je n’ai que votre parole pour savoir qui vous êtes et ce que vous êtes ! Vous assurez que vous êtes Balfour de Sharos : pour ce que je suis à même d’en juger, vous pouvez être aussi bien Balfour du diable ! il est possible