Page:Stevenson - Catriona.djvu/93

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il m’aurait été difficile de dire lequel de ces deux extrêmes m’était le plus antipathique. Tous avaient une manière de tenir leurs épées et les basques de leur habit qui, par jalousie, m’aurait rendu capable de tomber sur eux à coups de poing et de les chasser du Park. Je pense que, de leur côté, ils m’en voulaient beaucoup de la jolie société avec laquelle je venais d’arriver ; aussi, peu à peu, ils me devancèrent et je dus me contenter de marcher à l’arrière-garde, seul avec mes pensées. Tout à coup, cependant, je fus tiré de ma rêverie par un des officiers, le lieutenant Hector Duncansby qui, d’un air ironique, me demanda si mon nom était bien « Palfour ».

Je lui répondis que oui, mais pas très aimablement, car ses manières étaient à peine polies.

« Ah ! Palfour ! dit-il, et il répéta : Palfour ! Palfour !

— Je vois que mon nom ne vous plaît pas monsieur, lui dis-je, vexé de me laisser troubler par ce rustaud.

— Non, répondit-il, je réfléchissais seulement.

— Je ne vous conseille pas de recommencer, monsieur, je crois que vous pourriez vous en repentir.

— Avez-vous jamais entendu raconter, fit-il, où Alan Grigor trouva les pincettes ? »

Je lui demandai ce qu’il pouvait vouloir dire et il me répondit en éclatant de rire que je devais avoir trouvé le tisonnier à la même place et que je l’avais sans doute avalé.

Il n’y avait pas d’erreur et mes joues s’empourprèrent.

« Avant d’injurier les autres, dis-je, je crois que je tâcherais d’abord d’apprendre à parler correctement. »

Il me prit par la manche et, me faisant un signe de tête, me conduisit tranquillement vers la grille du Park. Mais nous ne fûmes pas plus tôt hors de vue que ses manières changèrent.