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Page:Stevenson - Enlevé !.djvu/108

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rent malhonnête qui avait voulu le frustrer de ce qui lui revenait.

Et en effet pourquoi mon oncle jouerait-il un rôle avec un parent qui venait, absolument dépourvu de ressources, frapper à sa porte, à moins qu’au fond du cœur il n’eût quelque raison de le craindre.

Plein de cette idée, que je ne voulais pas accueillir, mais qui néanmoins s’enracinait fortement dans mon esprit, je me mis à imiter ses coups d’œil furtifs, si bien que nous étions à table comme un chat et un rat, chacun de nous observant l’autre à la dérobée.

Il ne trouva rien de plus à me dire. Il était tout occupé à tourner et retourner une pensée secrète dans son esprit.

À mesure que le temps passait, et plus je le regardais, plus j’étais convaincu que ce secret-là n’avait rien que de défavorable pour moi.

Quand il eut nettoyé son assiette, il prit la quantité de tabac qu’il fallait pour une seule pipe, comme il avait fait le matin, et plaçant une chaise au coin de l’âtre, il se mit à fumer en me tournant le dos.

— David, me dit-il enfin. J’ai pensé à une chose.

Puis il garda le silence quelques instants, et enfin reprit.

— C’est une petite somme que je m’étais presque promis de mettre de côté pour vous. Avant votre naissance, je l’avais promis à votre père. Oh ! ce n’était pas un engagement légal, vous entendez bien : un simple propos entre deux gentlemen qui boivent. Bon, j’ai gardé ce peu d’argent de côté… C’était un grand sacrifice, mais ce qui est promis est promis et cela a fini par faire une somme, qui maintenant s’élève juste à…

Sur ce mot, il bégaya et s’arrêta, puis il reprit :