Page:Stevenson - Enlevé !.djvu/137

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venue habiter plusieurs années auparavant, et soit à son départ, soit à son retour de chaque voyage, le Covenant ne passait jamais de jour au large de ce port sans le saluer d’un coup de canon et du déploiement de ses couleurs.

Rien ne me permettait de me rendre compte du temps.

Le jour et la nuit ne présentaient aucune différence dans cet antre fétide à fond de cale, et les souffrances de ma situation doublaient la durée des heures. Aussi je ne suis pas en état de dire combien de temps je restai à attendre que le vaisseau fût éventré contre un écueil et qu’il piquât une tête dans les abîmes.

Mais à la fin, le sommeil vint furtivement m’ôter la conscience de mon chagrin.

Je fus réveillé par la clarté d’une lanterne dont la lumière tombait sur ma figure.

Un petit homme, ayant la trentaine, avec des yeux verts et une tignasse blonde, était penché sur moi et me regardait.

— Eh, bien ! me dit-il, comment cela va-t-il.

Je répondis par un sanglot.

Mon visiteur me tâta le pouls et les tempes, et se mit à laver et panser la déchirure que je portais dans le cuir chevelu.

— Oh ! me dit-il, une vilaine écorchure ! Eh bien, mon garçon, du courage, voyons ! Le monde n’est pas près de finir ; vous y avez mal débuté, mais vous continuerez avec plus de succès. Avez-vous eu à manger ?

Je répondis que je n’y pensais guère.

Alors il me fit boire un peu d’eau-de-vie et d’eau dans un gobelet d’étain, et me laissa de nouveau dans ma solitude.

Quand il revint me voir, j’étais étendu, dans un état