Page:Stevenson - Enlevé !.djvu/151

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longtemps que vous auriez dû intervenir. Il est trop tard maintenant.

— M. Riach, dit le capitaine, il faut que l’affaire de cette nuit ne soit jamais connue à Dysart. Le mousse sera tombé à la mer, voilà toute l’histoire, et je donnerais bien cinq livres de ma poche pour qu’elle fût vraie.

Il se retourna vers la table.

— Qu’est-ce qui vous a donc pris, pour que vous ayez jeté à la mer une bonne bouteille ? ajouta-t-il, cela n’avait pas le sens commun, monsieur… Eh ! David, allez m’en prendre une autre. Elles sont dans le placard du fond… Il vous en faudra bien un verre à vous aussi, monsieur Riach, reprit-il. Vous avez eu là-bas une vilaine chose à voir.

Alors les deux hommes s’assirent et burent en bons amis.

Pendant qu’ils buvaient, le meurtrier, qui jusqu’alors était resté couché à geindre dans son poste, se releva sur son coude et regarda vers eux et vers moi.

Tel fut le premier soir de ma nouvelle fonction.

La journée du lendemain me suffit pour me mettre tout à fait au courant.

Je devais servir pendant les repas, que le capitaine prenait à des heures régulières avec l’officier qui n’était pas de quart.

Pendant tout le jour, j’avais à courir pour porter un verre à l’un ou à l’autre de mes trois maîtres.

La nuit, je couchais sur une couverture jetée sur les planches du pont, tout au fond de la dunette, en plein dans le courant d’air établi entre les deux portes.

Ce lit-là était dur et froid, et on ne me laissait pas dormir sans interruption, car à chaque instant quelqu’un arrivait du pont pour demander à boire, et quand un quart succédait à un autre, deux des chefs et quel-