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Page:Stevenson - Enlevé !.djvu/203

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Or, nous étions sur le point de mettre l’esquif à la mer, quand cet homme cria de sa voix la plus perçante :

— Au nom de Dieu, retenez !

Le ton de sa voix nous apprit qu’il se produisait quelque chose de plus qu’à l’ordinaire, et en effet, il arriva aussitôt sur nous un si violent coup de mer, que le brick se dressa et chavira sur sa quille.

L’avertissement avait-il été lancé trop tard, ou n’avais-je pas le poignet assez ferme, je ne sais, mais ce redressement brusque du vaisseau me lança par-dessus bord dans la mer.

Je m’enfonçai et bus un fort coup. Puis je remontai, j’entrevis la lune et plongeai de nouveau. On dit qu’au troisième plongeon, l’homme a son compte. Sans nul doute, je ne suis pas fait comme les autres, car je n’ose écrire en toutes lettres le nombre de fois que je plongeai et remontai à la surface.

Entre temps, j’étais ballotté de côté et d’autre, heurté, étranglé, puis englouti tout entier, et ce jeu agissait si fortement sur mes esprits que je n’avais ni inquiétude, ni frayeur.

À la fin, je m’aperçus que je me tenais à un espar, qui me fut de quelque secours.

Soudain je me trouvai en eau tranquille et je commençai à reprendre possession de moi-même.

C’était une vergue de rechange que j’avais saisie ; je fus stupéfait en voyant combien je m’étais éloigné du brick.

Il était toujours resté accroché au récif, mais avait-on réussi à mettre l’esquif à la mer ?

Le niveau de l’eau et la distance où je me trouvais m’empêchèrent de le voir.

Pendant que je hélais le brick, j’aperçus entre lui et moi une certaine étendue de mer où il ne venait pas