Page:Stevenson - Enlevé !.djvu/21

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présenté durant l’hiver de 1868. Il était assis dans un coin peu éclairé du salon de sa mère et d’abord elle n’entendait que sa voix au timbre presque enfantin, mais comme il la réaccompagnait jusqu’à la porte, la lumière de la lampe frappa en plein son visage. « Je vis, dit Mrs Jenkins, un garçon brun, mince, aux cheveux très longs, avec de grands yeux noirs, un sourire joyeux, une tête inclinée gracieusement. » L’impression fut excellente. Mrs Jenkins invita le jeune homme à venir la voir et, le soir, elle annonça au professeur, son mari, qu’elle avait fait la connaissance d’un poète[1].


« À l’époque où il était étudiant, Stevenson assure qu’il était laid, mais je ne crois pas qu’en aucun temps cette épithète lui ait convenu, a écrit M. Baildon. Certes, elle ne s’appliquait pas au jeune garçon de quatorze ans. Sans doute il était assez mal bâti de corps : ses membres étaient longs et grêles, des pattes d’araignées ; il avait la poitrine plate au point de faire penser qu’il avait souffert de quelque maladie de la nutrition tant ses articulations faisaient d’anguleuses saillies sous ses habits. Mais sa figure donnait un démenti à tout cela. Son front d’un bel ovale surmontait de doux yeux bruns qui semblaient avoir vu le soleil sous les vignes du Midi. Toute la figure avait une tendance à réaliser le type ovale de la Madone, mais autour de la bouche et dans la lueur de joyeuse moquerie des yeux, il flottait toujours une vive malice d’Autolycus, qui faisait penser à un Hermès futé déguisé en mortel. Les yeux ouverts avaient toujours une expression spirituelle, si gaies que fussent les étincelles qui y pétillaient, mais autour de la bouche il y avait un je ne sais quoi d’un peu moqueur,

  1. Balfour, I, p. 96.