Page:Stevenson - Enlevé !.djvu/229

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line, vers le sud, j’irais jusqu’à lui brûler la cervelle.

Il devint soudain très poli, et après avoir quelques instants essayé de m’attendrir mais inutilement, il me lança de nouveaux jurons en gaélique, et finit par s’éloigner.

Je le regardai s’en aller à grands pas à travers fondrières et bruyères, tâtant le terrain avec son bâton, jusqu’à ce qu’il eût tourné le bas d’une hauteur et disparu dans le premier creux.

Alors je me remis en route vers Torosay, bien plus content d’être seul que de voyager en compagnie de cet homme instruit.

C’était un jour néfaste. Les deux individus dont je venais de me débarrasser l’un après l’autre étaient les pires gredins que j’aie rencontrés dans les Hautes-Terres.

À Torosay, sur le détroit de Mull, il y avait une auberge dont la façade était tournée du côté de la terre, dans la direction de Morven.

L’aubergiste, qui était un Maclean, appartenait à une très grande famille, à ce qu’il semblait.

Tenir une auberge est une profession plus élevée encore dans les Hautes-Terres que chez nous, peut-être parce que cela tient de l’hospitalité, et peut-être aussi parce que le métier permet de ne rien faire et de boire.

Il parlait bien anglais, et s’apercevant que j’avais quelque instruction, il en fit l’épreuve, d’abord en français, où il eut aisément raison de moi, puis en latin ; je ne sais lequel de nous se montra alors le plus fort.

Cette plaisante rivalité nous rendit aussitôt bons amis.

Je m’assis et bus du punch avec lui, ou pour parler plus exactement, je m’assis et le regardai boire jusqu’à ce qu’il fût si gris qu’il pleura sur mon épaule.

Je fis un essai, en lui montrant comme par hasard