Page:Stevenson - Enlevé !.djvu/23

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

reste de la route, sa voix sonne dans mon souvenir et me rend heureux.

10 mai. — Travail d’étude, de la copie. C’est la besogne la plus facile. Cela vous occupe l’esprit tout juste assez pour vous empêcher de penser à quoi que ce soit. De la sorte, on cesse d’être un être raisonnable ; on devient bête, stupide à en perdre la tête, fin qui alors est vraiment souhaitable.


Stevenson réagissait en lisant beaucoup ; il ne lisait pas seulement Burns, Hazlitt, Pepys, Shakspeare, Keats, Fielding[1] : il se formait le style à leur école. Il étudia ainsi les contemporains. On a donné à George Meredith des droits de paternité sur le style de Stevenson, ce style qui fait de lui le grand maître de la forme dans l’Angleterre du xixe siècle. En effet, ces deux écrivains, dans leur recherche de l’adjectif rare, leur emploi du mot image, leur appel au sous-entendu, ont une méthode commune. Mais Stevenson a surpassé son modèle en lucidité et en grâce[2]. Cette maîtrise, il l’a conquise, il faut le dire, au prix du plus âpre effort. Il a raconté lui-même pendant combien d’années il s’en allait, un classique anglais dans sa poche, un crayon et du papier dans l’autre et s’efforçant, durant des heures, de reproduire le style de son modèle comme un peintre débutant copie les toiles de ses devanciers[3]. Après de semblables exercices renouvelés à maintes re-

  1. Balfour, I, p. 98, note.
  2. The Athenœum, 23 décembre 1894.
  3. Century magazine, novembre 1895.