Page:Stevenson - Enlevé !.djvu/301

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Même dans ce cas, la moindre malchance pouvait nous trahir.

De temps à autre, quand un grouse se levait de la bruyère avec un battement d’aile, nous restions aussi immobiles que des morts, et n’osant pas même respirer.

Les douleurs aiguës et la faiblesse que je ressentais dans le corps, l’inquiétude qui me travaillait le cœur, les écorchures de mes mains, les élancements que me causait aux yeux et dans la gorge ce nuage incessant de poussière et de cendres, tout cela devint enfin si insupportable que j’eusse volontiers renoncé à tout effort.

La crainte, que m’inspirait Alan, me donnait assez de faux courage pour persévérer.

Quant à lui, vous devez vous rappeler qu’il était chargé d’un grand manteau. Il était devenu d’abord d’un rouge cramoisi, puis cette rougeur s’était parsemée de plaques blanches, à mesure qu’il avançait. Son haleine était rauque et parfois sifflante et lorsqu’il me chuchotait quelques indications à l’oreille pendant nos haltes, il le faisait d’une voix qui n’avait rien d’humain.

Néanmoins, il ne laissait voir aucun signe d’abattement, il n’avait rien perdu de son activité, et j’étais obligé, quoi que j’en eusse, d’admirer l’endurance de cet homme.

À la fin, dès que la nuit s’annonça, nous entendîmes le son d’un clairon, et en regardant derrière nous à travers la bruyère, je vis que les troupes commençaient à se rassembler.

Un peu après, elles firent un feu de bivouac, et campèrent pour la nuit, vers le milieu de la lande.

À cette vue, je demandai, je suppliai qu’on s’arrêtât et qu’on dormît.