Je me mis en route au long d’un sentier à peine visible sur l’herbe, qui conduisait dans cette direction. Il était bien minime pour être le seul accès d’un endroit habité ; pourtant, je n’en voyais pas d’autre. J’arrivai bientôt à des pilastres de pierre, auprès desquels s’élevait une loge de portier sans toit, mais surmontée d’un blason. Évidemment, on avait eu l’intention de construire là un grand portail ; mais il était resté inachevé : au lieu de portes de fer forgé, une couple de fascines étaient liées transversalement d’un tortil de paille ; et comme le parc n’avait pas de murs, ni aucune trace d’avenue, la piste que je suivais contournait le pilastre de droite, et s’avançait sinueusement vers le château.
L’aspect de celui-ci devenait plus sinistre à mesure que j’approchais. On eût cru voir l’aile unique d’une maison inachevée. Ce qui eût dû être l’extrémité centrale de l’aile était béant par les étages supérieurs, et profilait sur le ciel ses escaliers coupés et les assises tronquées de sa maçonnerie. Beaucoup de fenêtres n’avaient pas de carreaux, et les chauves-souris pénétraient dans la maison et en sortaient comme des pigeons d’un pigeonnier.
La nuit tombait, et trois des fenêtres d’en bas, qui étaient très hautes et étroites, et solidement grillées, s’éclairaient déjà des lueurs vacillantes d’un modeste foyer.
Était-ce donc là le palais que je croyais rencontrer ? Était-ce entre ces murs que j’allais trouver de nouveaux amis et commencer une vie de haute fortune ? En vérité, dans la maison de mon père à Essen-Waterside, le feu se voyait d’un mille loin, avec sa brillante clarté, et la porte s’ouvrait à tout mendiant qui frappait.
Je m’avançai avec défiance et, en prêtant l’oreille, j’entendis un bruit d’assiettes entrechoquées, et aussi une petite toux sèche et répétée, qui revenait par quintes ; mais pas un bruit de voix, pas un aboiement de chien.
La porte, autant que j’en pus juger dans la demi-obscurité, consistait en un panneau de bois tout hérissé de clous. Je levai le bras, tandis que mon cœur défaillait sous ma jaquette, et je frappai une fois. Puis je restai à écouter. Un silence de mort régnait dans la maison. Une minute entière, il n’y eut que le bruit léger des chauves-souris, en l’air. Je frappai une seconde fois, et tendis l’oreille de nouveau. Mon ouïe s’était alors si bien adaptée au silence que je percevais de la maison le tictac lent de l’horloge qui comptait les secondes ; mais l’habitant, quel qu’il fût, gardait une immobilité de mort, et devait même retenir son souffle.
J’ai presque tenté de m’encourir ; mais la colère me retint, et je me mis, en place, à faire pleuvoir une grêle de coups de pied et de poing sur la porte, et à appeler à grands cris M. Balfour. J’étais en plein travail, lorsque la toux se fit entendre au-dessus de moi. Je sautai en arrière et, levant la tête, vis une figure d’homme en bonnet de nuit, et la gueule évasée d’un tromblon, à une fenêtre du premier étage.
– Il est chargé, dit une voix.