– Chut ! chut ! dit Alan. Ne dites pas cela ! David, mon ami, vous savez bien… (Il ravala un sanglot). – Je vais vous passer mon bras autour de la taille, continua-t-il, oui, c’est cela même qu’il faut faire ! Maintenant, appuyez-vous sur moi, fort. Dieu sait où il y a une habitation ! Nous sommes en Balquhidder, pourtant ; il n’y doit pas manquer de maisons, ni voire de maisons amies… Cela va-t-il mieux comme ça, David ?
– Oui, dis-je, je peux marcher ainsi ; et je pressai son bras de ma main.
Il faillit de nouveau sangloter.
– David, dit-il, je suis un très méchant homme ; je n’ai ni raison ni bonté ; j’avais oublié que vous n’étiez qu’un enfant ; je ne voyais pas que vous alliez mourir tout debout. David, vous tâcherez de me pardonner, n’est-ce pas ?
– Oh ! ami, ne parlons plus de cela ! dis-je. Nous n’avons ni l’un ni l’autre à nous faire de reproches, voilà tout. Il nous faut souffrir et supporter, ami Alan… Oh ! mais que mon point me fait mal ! N’y a-t-il pas de maison quelque part ?
– Je vous trouverai une maison. David, dit-il avec force. Nous allons descendre ce ravin ; il doit à coup sûr s’y trouver des maisons. Mon pauvre petit, ne seriez-vous pas mieux sur mon dos ?
– Oh ! Alan ! dis-je ; avec mes douze bons pouces de plus que vous !
– Pas tant que cela, s’écria-t-il, avec un sursaut. Peut-être l’affaire d’un pouce ou deux… Je ne veux pas dire toutefois que je suis réellement ce qu’on appelle un homme grand… Et après tout, ajouta-t-il, en baissant le ton d’une manière risible, quand j’y réfléchis, je crois que vous pourriez avoir raison… Oui, ce peut être un pied, ou pas loin… ou même davantage, peut-être, qui sait !
Il était délicieusement drôle d’entendre Alan ravaler ses mots par crainte d’une nouvelle dispute. J’aurais ri, si mon point ne m’en eût empêché ; mais si j’avais ri, je pense que j’aurais pleuré en même temps.
– Alan ! m’écriai-je, pourquoi êtes-vous si bon avec moi ? Pourquoi vous souciez-vous d’un si ingrat individu ?
– Ma foi, je ne sais, dit Alan. Car je me figurais précisément vous aimer à cause que vous ne vous disputiez jamais… et voilà qu’à présent je vous en aime davantage !