remords et de crainte : remords pour ce que nous avions abusé de son ignorance ; crainte de l’avoir peut-être impliquée dans les dangers qui nous menaçaient.
XXVII. J’arrive chez M. Rankeillor
Le lendemain, nous décidâmes qu’Alan disposerait de son temps jusqu’au coucher du soleil, mais qu’à l’heure où il commence à faire noir, il se cacherait dans les champs du bord de la route, auprès de Nowhalls, et n’en bougerait pas avant de m’avoir entendu siffler. Je lui proposai comme signal « La chère maison d’Airlie », que j’aimais beaucoup ; mais il objecta que l’air était trop connu, et qu’un paysan quelconque pourrait le siffler par hasard ; et il m’apprit au lieu de cela un court fragment d’un air des Highlands qui n’a cessé de me hanter depuis et me hantera sans doute à mon lit de mort. Chaque fois qu’il me revient, je me trouve reporté à ce dernier jour de mes incertitudes, et je revois Alan assis au fond du creux de sable, sifflant et battant la mesure avec un doigt, tandis que ses traits se dégageaient peu à peu dans l’aube grise.
Je fus avant le lever du soleil dans cette longue rue de Queensferry. C’était un bourg bien construit, avec des maisons en pierre de taille, recouvertes d’ardoise pour la plupart ; un hôtel de ville moins beau, je pense que celui de Peebles, et une rue de moins grand air ; mais néanmoins le tout réuni me fit rougir de mes vieilles hardes.
À mesure que le matin s’avançait, les feux commencèrent à s’allumer, les fenêtres à s’ouvrir, les gens à sortir des maisons ; et cependant mon souci et ma détresse ne faisaient que croître. Je voyais bien à présent que je manquais absolument de base, que je n’avais aucune preuve certaine de mes droits, pas plus que de mon identité. Si mes espoirs n’étaient qu’un leurre, je me trouverais amèrement déçu et engagé dans une mauvaise passe. Même si tout marchait au gré de mes désirs, il faudrait sans doute du temps pour faire valoir mes prétentions ; et de quel temps disposais-je, avec moins de trois shillings en poche, et sur les bras un condamné à embarquer et faire évader ? Certes, si mon espérance se brisait, cela pourrait bien finir pour l’un et l’autre par le gibet. Et tout en continuant à me promener çà et là et voyant des gens me regarder de travers de la rue ou des fenêtres, et me désignant de la tête en parlant de moi avec des sourires, je fus pris d’une crainte nouvelle, savoir qu’il pourrait bien ne m’être pas facile d’arriver à m’entretenir avec le notaire, et à plus forte raison de le convaincre de ma véracité.
Pour tout au monde je n’aurais eu l’audace d’interpeller quelqu’un