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Page:Stevenson - Enlevé (trad. Varlet), 1932.djvu/164

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Il était près de midi lorsque je passai devant l’église de l’Ouest et le Marché-aux-Herbes pour pénétrer dans les rues de la capitale. La hauteur démesurée des bâtiments, élevés de dix à quinze étages, les étroites voûtes d’entrées qui vomissaient à chaque instant du monde, les marchandises aux étalages des boutiques, la circulation et la rumeur incessantes, les mauvaises odeurs et les beaux habits, et cent autres détails trop infimes pour les mentionner, me frappaient d’une sorte d’hébétude, au point que je laissais la foule m’emporter de çà de là ; mais tout le temps je ne cessais de penser à Alan, resté là-bas au Repos-bien-gagné, et tout le temps (bien qu’on dût me croire plutôt enchanté de ces belles choses et de leur nouveauté), le remords, eût-on dit, comme d’une mauvaise action me rongeait le cœur, telle une dent de glace.

La main de la Providence conduisit ma dérive, et je me trouvai aux portes de la Société des Lins Britanniques.


Note du traducteur

Ainsi se termine, de façon en apparence quelque peu abrupte, l’ouvrage de Robert Louis Stevenson qui porte en anglais le titre de Kidnapped !

Sans le scrupuleux respect du texte que j’ai toujours observé à l’égard du Maître écossais et dont je ne puis me départir ici plus qu’ailleurs, il eût été facile de modifier le dernier chapitre et d’adapter la fin du volume aux habitudes courantes du lecteur français. Quelques pages auraient suffi, pour montrer David Balfour accueilli à la banque avec les honneurs dus à son rang et remis en possession de sa fortune, tandis que l’ami Alan était embarqué à prix d’or et passé en sûreté de l’autre côté de l’eau.

Mais le respect de Stevenson n’est pas seul en cause, et un autre motif m’a encore engagé à donner ce chapitre tel quel. Les pages que je viens d’esquisser en un sec schéma, l’auteur lui-même les a écrites, avec sa magie coutumière… Seulement, cette « conclusion » forme le début d’un autre livre ; car, à peine sorti de la banque, David Balfour va entrevoir l’aimable Catriona, fille d’un chef highlander proscrit, et cette simple rencontre remet tout en cause. Être un riche « laird » terrien ne compte pas, devant l’amour qui naît. L’entrée en possession de l’héritage et du titre n’est plus de la sorte un dénouement, mais bien un point de départ nouveau : l’intérêt rebondit… et les admirateurs de Stevenson – tous ceux donc qui viennent de lire le présent volume – ne peuvent manquer d’aller chercher la continuation des Aventures de David Balfour dans Catriona publié dans la même collection. Avec quantité d’épisodes passionnants, amoureux ou terribles, où reparaît en premier plan la curieuse et attachante figure d’Alan, on y trouvera, comme l’annonce le sous-titre :