là que je suis né, et c’est là que mon fils doit retourner. Mon fils est un garçon sérieux (dit votre père) ; il peut faire le voyage sans crainte, je n’en doute pas, et il sera bien reçu partout où il ira. »
– Le château de Shaws ! Qu’est-ce que mon père avait à voir avec le château de Shaws ?
– Ma foi, je ne saurais vous le dire, Mais le nom de cette famille, petit Davie, est celui que vous portez : Balfour de Shaws. C’est une maison ancienne, probe et respectable. Votre père, d’ailleurs, était un homme de savoir comme il convenait à sa situation ; il dirigeait son école mieux que n’importe qui ; et il n’avait pas non plus les manières ni le langage d’un simple magister ; car (vous vous en souvenez) j’étais heureux de l’avoir à la cure lorsque je recevais la noblesse ; et ceux de ma famille, les Campbell de Kilremont, les Campbell de Dunswire, les Campbell de Minch, et les autres, tous gentilshommes réputés, se plaisaient en sa compagnie. Enfin, pour vous mettre en possession de tous les éléments du problème, voici la lettre testamentaire elle-même, que notre frère défunt vous adressa de sa main.
Il me donna la lettre, qui portait ces mots : « À Ebenezer Balfour de Shaws, Esquire, en son château de Shaws, pour lui être remise par mon fils Davie Balfour. » Mon cœur battit violemment à la pensée de l’avenir grandiose qui s’ouvrait ainsi devant un garçon de dix-sept ans, fils d’un magister de village dans la forêt d’Ettrick.
– Monsieur Campbell, bégayai-je, si vous étiez à ma place, iriez-vous ?
– À coup sûr, dit le ministre, j’irais, et tout de suite. Un vaillant garçon comme vous doit arriver à Cramond (qui est tout près d’Édimbourg) en deux jours de marche. Au pis-aller, en supposant que vos hautes relations (bien que vous leur soyez apparenté, il me semble) vous reçoivent mal, vous en serez quitte pour revenir sur vos pas, frapper à la porte du presbytère. Mais j’espère que vous serez bien reçu, comme votre pauvre père le prévoit, et que vous finirez par devenir un grand personnage… Et maintenant, mon petit Davie, avant votre départ, ma conscience m’ordonne de vous mettre en garde contre les dangers du monde.
Il chercha autour de lui un siège commode, avisa une grosse pierre sous un hêtre de la route, s’y installa en faisant une lippe sérieuse, et, comme le soleil tombait sur nous entre deux cimes, il étala, pour s’abriter, son mouchoir de poche sur son tricorne. Puis, l’index levé, il me mit en garde contre un grand nombre d’hérésies, qui ne me tentaient nullement, et m’exhorta à réciter attentivement mes prières et à lire la Bible. Ensuite, il me traça le tableau de la grande maison où j’allais m’introduire, et de la conduite que je devais garder avec ses hôtes.
– Soyez souple, Davie, dans les petites choses, dit-il. Souvenez-vous bien que, malgré votre bonne naissance, vous avez un passé rustique. Ne nous faites pas honte, Davie, ne nous faites pas honte ! Dans ce vaste château là-bas, avec toute cette domesticité, du plus grand au