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L’ÎLE AU TRÉSOR

— Je ne sais rien du trésor, dit-il, mais je gagerais ma perruque qu’il y a de la fièvre par ici.

Si la conduite des hommes avait été alarmante dans le canot, elle devint réellement menaçante quand ils furent remontés à bord. Ils se tenaient groupés sur le pont, à murmurer entre eux. Les moindres ordres étaient accueillis par un regard noir, et exécutés à regret et avec négligence. Les matelots honnêtes eux-mêmes semblaient subir la contagion, car il n’y avait pas un homme à bord qui réprimandât les autres. La mutinerie, c’était clair, nous menaçait comme une nuée d’orage.

Et nous n’étions pas les seuls, nous autres du parti de la cabine, à comprendre le danger. Long John s’évertuait, allant de groupe en groupe, et se répandait en bons avis. Personne n’eût pu donner meilleur exemple. Il se surpassait en obligeance et en politesse ; il prodiguait les sourires à chacun. Donnait-on un ordre, John arrivait à l’instant sur sa béquille, avec le plus jovial : « Bien, monsieur ! » et quand il n’y avait rien d’autre à faire, il entonnait chanson sur chanson, comme pour dissimuler le mécontentement général.

De tous les fâcheux détails de cette fâcheuse après-midi, l’évidente anxiété de Long John apparaissait le pire.

On tint conseil dans la cabine.

— Monsieur, dit le capitaine au chevalier, si je risque encore un ordre, tout l’équipage nous saute dessus, du coup. Oui, monsieur, nous en sommes là. Supposez qu’on me réponde grossièrement. Si je relève la chose, les anspects entrent en danse aussitôt ; si je ne dis rien, Silver sent qu’il y a quelque chose là-dessous, et la partie est perdue. Pour maintenant, nous n’avons qu’un seul homme à qui nous fier.

— Et qui donc ? interrogea le chevalier.