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LA PALANQUE

passable pour un canot tellement surchargé, et dans notre marche nous n’avions embarqué que peu d’eau. Nous étions maintenant presque arrivés : encore trente ou quarante coups d’avirons et nous accosterions la plage ; car déjà le reflux avait découvert une étroite bande de sable au pied du bouquet d’arbres. La yole n’était plus à craindre : la petite pointe l’avait déjà cachée à nos yeux. Le jusant, qui nous avait si fâcheusement retardés, faisait maintenant compensation et retardait nos adversaires. L’unique source de danger était le canon.

— Si j’osais, dit le capitaine, je stopperais pour abattre encore un homme.

Mais il était clair que nos gens ne voulaient plus laisser différer leur coup par rien. Ils n’avaient même pas jeté les yeux sur leur camarade tombé, qui pourtant n’était pas mort et s’efforçait de se traîner plus loin.

— Attention ! cria le chevalier.

— Nage à culer ! commanda le capitaine, prompt comme un écho.

Redruth et lui déramèrent avec une grande secousse qui envoya notre arrière en plein sous l’eau. Le coup tonna au même instant. Ce fut le premier entendu par Jim, le coup de feu du chevalier n’étant pas arrivé jusqu’à ses oreilles. Où passa le boulet, aucun de nous ne le sut exactement, mais j’imagine que ce fut au-dessus de nos têtes, et son vent contribua sans doute à la catastrophe.

Quoi qu’il en fût, le canot sombra par l’arrière, tout doucement, dans trois pieds d’eau, nous laissant, le capitaine et moi, debout et face à face. Les trois autres prirent un bain complet, et réapparurent tout ruisselants et barbotants.

Jusqu’ici, le mal n’était pas grand. Il n’y avait