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LA PALANQUE

chaudron, un épais tapis de mousse, quelques fougères et des buissons rampants verdoyaient encore parmi les sables. Entourant la palanque de très près — de trop près pour la défense, disaient mes compagnons — la forêt poussait toujours haute et drue, exclusivement composée de pins du côté de la terre, et avec une forte proportion de chênes verts du côté de la mer.

L’aigre brise du soir dont j’ai parlé sifflait par toutes les fissures de la rudimentaire construction, et saupoudrait le plancher d’une pluie continuelle de sable fin. Il y avait du sable dans nos yeux, du sable entre nos dents, du sable dans notre souper, du sable qui dansait dans la source au fond du chaudron, rappelant tout à fait une soupe d’avoine qui commence à bouillir. Une ouverture carrée dans le toit formait notre cheminée : elle n’évacuait qu’une faible partie de la fumée, et le reste tournoyait dans la maison, ce qui nous faisait tousser et larmoyer.

Ajoutez à cela que Gray, notre nouvelle recrue, avait la tête enveloppée d’un bandage, à cause d’une estafilade qu’il avait reçue en échappant aux mutins, et que le cadavre du vieux Redruth, non enterré encore, gisait auprès du mur, roide, sous l’Union Jack.

S’il nous eût été permis de rester oisifs, nous serions tombés dans la mélancolie ; mais on n’avait rien à craindre de ce genre avec le capitaine Smollett. Il nous fit tous ranger devant lui et nous distribua en bordées. Le docteur, Gray et moi, d’une part ; les chevalier, Hunter et Joyce, de l’autre. Malgré la fatigue générale, deux hommes furent envoyés à la corvée de bois à brûler ; deux autres occupés à creuser une fosse pour Redruth ; le docteur fut nommé cuisinier ; je montai la garde à