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LA PALANQUE

mauvais. Hawkins, vous ne valez guère plus que moi comme tireur : nous resterons là pour recharger et prêter main-forte.

Sur ces entrefaites, le froid était passé. Aussitôt qu’il eut dépassé notre enceinte d’arbres, le soleil dans sa force darda sur la clairière, et but d’un trait les vapeurs. Bientôt le sable fut brûlant et la résine se liquéfia dans les troncs du blockhaus. On dépouilla vareuses et habits, on rabattit les cols des chemises, on retroussa les manches jusqu’aux épaules, et nous attendîmes là, chacun à son poste, enfiévrés par la chaleur et l’inquiétude.

Une heure s’écoula.

— Zut pour eux ! fit le capitaine. On s’assomme ici plus que dans le pot-au-noir. Gray, sifflez pour faire venir le vent.

Ce fut alors que se manifestèrent les premiers symptômes de l’attaque.

— Pardon, monsieur, dit Joyce, si je vois quelqu’un, dois-je tirer dessus ?

— Je vous l’ai déjà dit ! s’impatienta le capitaine.

— Merci, monsieur, répliqua Joyce, avec la même politesse placide.

Il ne se produisit rien tout d’abord, mais la remarque nous avait tous mis en alerte. L’œil et l’oreille aux aguets, les mousquetaires soupesaient leurs fusils. Isolé au centre du blockhaus, le capitaine pinçait les lèvres d’un air soucieux.

Quelques secondes passèrent. Soudain Joyce épaula et fit feu. La détonation roulait encore, que plusieurs autres lui répliquèrent en une décharge prolongée, par coups successifs venant à la file indienne, de tous les côtés de l’enclos. Plusieurs balles frappèrent la maison de rondins, mais pas une n’y pénétra. Quand la fumée se fut dissipée, la palanque et les bois d’alentour réapparurent, aussi tranquilles