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Page:Stevenson - L’Île au trésor, trad. Varlet.djvu/274

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L’ÎLE AU TRÉSOR

part dans l’étendue de son ombre. La pensée de l’argent, à mesure qu’ils approchaient, résorbait leurs terreurs de naguère. Leurs yeux flamboyaient, leur pas devenait plus vif et plus léger, leur âme entière était captivée par cette richesse qui les attendait là, et représentait pour chacun d’eux toute une vie de plaisir et de débauche.

Silver sautillait sur sa béquille avec des grognements ; ses narines dilatées frémissaient ; il sacrait comme un fou quand les mouches se posaient sur son visage luisant de sueur ; il secouait rageusement la longe qui me reliait à lui, et de temps à autre tournait vers moi des yeux où luisait un regard assassin. Il ne prenait certes plus la peine de me cacher ses pensées, et je les lisais à livre ouvert. La proximité immédiate de l’or lui faisait oublier tout le reste : sa promesse au docteur comme l’avertissement de celui-ci étaient déjà loin, pour lui, et sans nul doute il comptait bien s’emparer du trésor, retrouver l’Hispaniola et l’aborder à la faveur de la nuit, massacrer tout ce qu’elle renfermait d’honnêtes gens, et remettre à la voile suivant ses intentions primitives, chargé de forfaits et de richesses.

Ces craintes m’accablaient, et j’avais peine à soutenir l’allure rapide des chercheurs de trésor. À tout moment, je trébuchais ; et c’est en ces occasions que Silver secouait si brutalement mon filin et me lançait ses regards meurtriers. Dick, qui marchait maintenant à notre suite et formait l’arrière-garde, parlait tout seul dans l’excitation de sa fièvre croissante, et mêlait les blasphèmes aux prières. Ma détresse s’en augmenta, et pour la couronner, mon imagination évoquait le drame qui s’était autrefois déroulé sur ce plateau, lorsque le flibustier à la face bleue — cet impie qui était mort à Savannah