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LE MAÏTRE-COQ

travail à bord de la goélette. Il nous fallut marcher jusque-là, et j’eus le grand plaisir de longer les quais où s’alignaient une multitude de bateaux de toutes tailles, formes et nationalités. Sur l’un, des matelots accompagnaient leur besogne en chantant ; sur un autre, il y avait des hommes en l’air, très haut, suspendus à des cordages minces en apparence comme des fils d’araignée. Bien que j’eusse passé toute ma vie sur la côte, il me semblait n’avoir jamais connu la mer jusqu’à présent. L’odeur du goudron et du sel était pour moi une nouveauté. Je vis des figures de proue étonnantes, qui avaient toutes parcouru les océans lointains. Je vis aussi beaucoup de vieux marins avec des anneaux aux oreilles, des favoris bouclés, des catogans goudronneux, et à la démarche lourde et importante. J’aurais eu moins de plaisir à voir autant de rois et d’archevêques.

Et j’allais moi aussi naviguer ; naviguer sur une goélette, avec un maître d’équipage qui jouerait du sifflet, et des marins à catogans, qui chanteraient ; naviguer vers une île inconnue, à la recherche de trésors enfouis !

J’étais encore plongé dans ce songe, lorsque nous nous trouvâmes soudain en face d’une grande auberge, et nous en vîmes sortir M. le chevalier Trelawney, vêtu comme un officier de marine, en habit gros bleu, qui vint à notre rencontre d’un air épanoui et imitant à la perfection l’allure d’un marin.

— Vous voici, s’écria-t-il, et le docteur est arrivé de Londres hier soir. Bravo ! l’équipage est au complet.

— Oh ! monsieur, m’exclamai-je, quand partons-nous ?

— Quand nous partons ?… Nous partons demain !