Page:Stevenson - La Flèche noire.djvu/217

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— Amis, commença-t-il, vous êtes de vraies têtes de bois, je pense. Car pour retourner, par la messe ! il faut avoir du large, n’est-ce pas ? Et ce vieux Lawless…

Quelqu’un frappa l’orateur sur la bouche, et, l’instant d’après, de même que le feu court dans la paille sèche, il fut renversé sur le pont, foulé aux pieds et massacré à coups de dagues par ses compagnons. À cette vue, la colère saisit Lawless.

— Gouvernez vous-mêmes, hurla-t-il avec un juron et, insoucieux du résultat, il quitta le gouvernail.

La Bonne Espérance vacillait à ce moment au sommet d’une lame. Elle s’affaissa avec une effrayante rapidité de l’autre côté. Une vague, comme un grand rempart noir, se souleva immédiatement devant elle, et avec un ébranlement, elle plongea la tête en avant à travers cette colline liquide. L’eau verte passa droit sur elle de la poupe à la proue à la hauteur des genoux, l’écume alla plus haut que le mât ; et elle se releva de l’autre côté avec une indécision effrayante, tremblante comme un animal blessé mortellement.

Six ou sept des mécontents avaient été enlevés par-dessus bord ; et quant aux autres, lorsqu’ils retournèrent leurs langues, ce fut pour beugler aux saints et supplier Lawless de revenir et de reprendre le gouvernail.