Page:Stevenson - La Flèche noire.djvu/344

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— Allons, continua Dick, une vie est une vie, vieux malin, ça vaut mieux que des bateaux et de la liqueur. Dites que vous me pardonnez ; car si votre vie n’est rien pour vous, elle m’a coûté le commencement de ma fortune. Allons, je l’ai payée cher ; ne soyez pas si têtu.

— Si j’avais eu mon bateau, dit Arblaster, je serais parti à l’abri en haute mer… moi et mon homme Tom, mais vous m’avez pris mon bateau, compère, et je suis un mendiant ; et, quant à mon homme Tom, un gredin en rouge l’a abattu d’un coup : « Peste » il a dit, et il n’a plus parlé. « Peste », a été son dernier mot, et sa pauvre âme a passé. Il ne naviguera plus, mon Tom.

Dick fut saisi de vains remords et de pitié ; il chercha à prendre la main du capitaine, mais Arblaster l’évita.

— Non, dit-il, laissez. Vous avez joué au diable avec moi, que cela vous suffise.

Les mots s’arrêtèrent dans la gorge de Richard, il vit à travers ses larmes, le pauvre vieux, hébété par la boisson et le chagrin, s’en aller en chancelant, tête baissée, par la neige, son chien, sans qu’il y prit garde, gémissant sur ses talons ; et, pour la première fois, Dick commença à comprendre le jeu terrible que nous jouons dans la vie, et comment aucune réparation ne peut changer une chose une fois faite ni y remédier.

Mais il n’eut pas le temps de s’abandonner aux