Page:Stevenson - Le Maître de Ballantrae, 1989.djvu/131

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cou de son père, en sanglotant. Ce fut une scène navrante.

– Oh ! père, s’écria-t-il, vous savez que je l’aimais ; vous savez que je l’avais aimé au début ; je serais mort pour lui, – vous savez cela ! J’aurais donné ma vie pour lui, comme pour vous. Oh ! dites que vous le savez ! Oh ! dites que vous me pardonnez ! Oh ! père, père, qu’ai-je fait… qu’ai-je fait ? Et nous avons passé notre jeunesse ensemble !

Il sanglotait, caressait le vieillard, s’accrochait à son cou, comme un enfant qui a peur.

Puis, il aperçut sa femme (pour la première fois, eût-on dit) qui pleurait tout près de lui, et aussitôt il tomba à ses genoux.

– Oh ! mon amie, s’écria-t-il, vous avez aussi à me pardonner. Moi, votre mari, j’ai toujours fait le malheur de votre existence. Mais rappelez-vous quand j’étais petit ; Henry Durie était inoffensif, alors ; il ne demandait qu’à être votre ami. C’est lui, c’est le vieil enfant qui jouait avec vous… Oh ! pourrez-vous, pourrez-vous jamais me pardonner ?

Durant toute cette scène, Mylord semblait un froid et bénévole spectateur, ayant gardé toute sa lucidité. Au premier cri, qui eût suffi à nous attirer toute la maison, il m’avait dit à mi-voix :

– Fermez la porte. Et puis il hocha la tête en silence. Nous pouvons le laisser avec sa femme, maintenant, dit-il. Prenez un flambeau, Mr. Mackellar.

En accompagnant Mylord, je m’aperçus d’un phénomène singulier. Bien qu’il fît tout à fait noir, et que la nuit fût en somme peu avancée, je croyais sentir l’approche du matin. Il y avait un remuement parmi les ramures vertes, qui faisaient le bruit d’une mer paisible, et des bouffées d’air nous soufflant au visage faisaient vaciller la flamme de la bougie. Cette agitation qui nous environnait augmenta, je pense, notre hâte ; nous parcourûmes le théâtre du duel, où Mylord vit le sang avec stoïcisme ; et, poussant plus loin vers le débarcadère, nous découvrîmes enfin quelques indices