Page:Stevenson - Le Maître de Ballantrae, 1989.djvu/141

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frémissaient dans le courant d’air. À cette vue, ma timidité disparut.

– Grand Dieu ! Madame, m’écriai-je, d’un ton fort déplacé dans une chambre de malade, – Grand Dieu ! Madame, qu’avez-vous fait de mes papiers ?

– Je les ai brûlés, dit Mme Henry, en se tournant vers moi. – Il suffit, et c’est même trop, que vous et moi les ayons lus.

– Vous avez fait là une jolie besogne, cette nuit ! m’écriai-je. – Et tout cela, pour sauver la réputation d’un homme qui gagnait son pain en répandant le sang de ses amis, comme je gagne le mien avec de l’encre.

– Pour sauver la réputation de cette famille dont vous êtes un serviteur, Mr. Mackellar, répliqua-t-elle, et pour laquelle vous en avez déjà tant fait.

– Cette famille, je ne la servirai pas plus longtemps, m’écriai-je, car je désespère, à la fin ! Vous m’avez arraché mes armes, et vous nous laissez sans défense. J’aurais eu, en tout cas, ces lettres à lui brandir sur la tête ; mais désormais, que faire ? Notre situation est tellement fausse que nous ne pouvons mettre cet homme à la porte ; le pays prendrait feu contre nous ; et j’avais barre sur lui par ces seuls papiers… et les voilà disparus !… À présent, il peut revenir demain, et nous serons forcés de nous attabler avec lui, de sortir sur la terrasse avec lui, ou de faire sa partie de cartes, mettons, pour le distraire ! Non, Madame ! Que Dieu vous pardonne, s’il en a envie, mais pour ma part, je ne saurais.

– J’admire votre simplicité, Mr. Mackellar, dit Mme Henry. Quel prix cet homme attache-t-il à l’honneur ? Aucun. Par contre, il sait combien nous l’apprécions ; il sait que nous préférerions mourir plutôt que de publier ces lettres. Croyez-vous qu’il n’userait pas de cette connaissance ? Ce que vous appelez votre arme, Mr. Mackellar, et qui en eût été une, en effet, contre quelqu’un doué d’un reste de pudeur, ne servirait contre lui pas plus qu’un sabre de bois. Il vous rirait au nez si vous l’en menaciez. Il foule