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VII

Aventures du chevalier Burke dans l’Inde


(Extrait de ses mémoires)

Je m’étais donc égaré par les rues de cette ville, dont j’ai oublié le nom, et je la connaissais alors si mal que j’ignorais s’il me fallait prendre au Nord ou au Sud. Vu la soudaineté de l’alerte, je m’étais précipité au-dehors sans souliers ni bas ; j’avais perdu mon chapeau dans la bagarre ; mon violon de poche était tombé aux mains des Anglais ; j’avais pour seul compagnon le cipaye, pour seule arme ma seule épée, et pas un rouge liard en poche. Bref, j’étais absolument dans la situation d’un de ces calenders que M. Galland nous a fait connaître dans ses jolis contes. On sait que ces gentlemen rencontraient sans cesse des aventures extraordinaires ; et il m’en était réservé une si étonnante que je n’en suis pas encore revenu aujourd’hui.

Le cipaye était un très brave homme : il avait servi des années sous les couleurs françaises, et se serait laissé couper en morceaux pour un quelconque des braves concitoyens de Mr. Lally. C’est le même individu (son nom m’échappe) dont j’ai déjà conté un exemple étonnant de générosité d’âme, lorsqu’il nous trouva, M. de Fassac et moi, sur les remparts, entièrement perdus de boisson, et nous cacha sous de la paille tandis que le commandant passait par là. Je le consultai donc en toute franchise. Que faire ? La question était délicate. Nous décidâmes finalement d’escalader le mur d’un jardin, où nous pourrions