trae par son nom, lui exposai en peu de mots ma triste situation. Il se retourna, sans paraître surpris le moins du monde, me regarda bien en face tandis que je parlais, et, quand j’eus fini, s’adressa à son compagnon dans le patois barbare du pays. Ce second individu, d’un aspect singulièrement délicat, et qui avait des jambes comme des cannes et des doigts comme des tuyaux de pipe[1], se mit debout.
– Le sahib, dit-il, comprend pas langage anglais. Je le comprends, moi, et je vois vous faire une petite méprise… Oh ! qui peut arriver à tout le monde. Mais le sahib aimerait savoir comment vous venir dans cette jardin.
– Ballantrae ! m’écriai-je, avez-vous la damnée impudence de me renier en face ?
Ballantrae, sans qu’un de ses muscles bougeât, me regardait fixement comme une statue dans une pagode.
– Le sahib comprend pas langage anglais, dit l’indigène, aussi doucereux que devant. Il aimer savoir comment vous venir dans cette jardin.
– Oh ! le diable l’emporte ! dis-je. Il aimerait savoir comme je venir dans cette jardin, n’est-ce pas ? Eh bien, mon brave, ayez l’obligeance de dire au sahib, en lui présentant mes respects, que nous voici deux soldats qu’il n’a jamais ni vus ni connus, mais que le cipaye est un fameux lapin, et moi aussi ; et que s’il ne nous donne pas bien à manger, plus un turban et des chaussures, et la valeur d’un mohur d’or en petite monnaie comme viatique, parbleu, mon ami, je pourrais vous faire voir un jardin où il va se passer des choses.
Ils poussèrent leur comédie au point de converser un moment en hindoustani ; et puis l’Hindou, avec le même sourire, mais en soupirant comme s’il était fatigué de se répéter, prononça :
– Le sahib aimerait savoir comment vous venir dans cette jardin.
- ↑ Note de Mr. Mackellar. Évidemment Secundra Dass. E. Mck.